Mao Zedong

Principal artisan de la révolution chinoise et de l’édification du communisme, Mao Zedong a profondément influencé l’évolution de son pays. Au croisement des aspirations nationalistes chinoises et du bolchevisme de son voisin Russe, sa politique a fortement contribué à l’émergence d’un nouvel Etat chinois. La révolution fit en effet de la Chine un pays uni et débarrassé d’une domination occidentale qui provoquait l’agitation depuis la fin du XIXème siècle.


Mais l’idéologie de Mao, faite de contradictions entre pensée marxiste et refus de la modernité, entre instauration d’un système totalitaire et volonté de voir le peuple se gouverner lui-même via un activisme perpétuel, a conduit à de véritables catastrophes. Ainsi, le Grand Bond en avant précipita le pays dans la plus grande famine du XXème siècle, engendrant la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes. Quant à la Révolution culturelle, elle dégénéra rapidement en véritable guerre civile. Pourtant, près de trente ans après sa mort, Mao bénéficie encore du culte de la personnalité qu’il a instauré. Aujourd’hui encore, il reste difficile de faire la part des choses entre le destin d’un homme d’Etat érigé au rang de mythe, et la réalité d’un gouvernant caractérisé par son habilité politique et son autoritarisme.


De la paysannerie privilégiée à l’activisme communiste

Mao Zedong naît le 26 décembre 1893 à Shaoshan, village de la province de Hunan dans le centre ouest de la Chine. Il grandit au sein d’une famille paysanne qui est parvenue à une certaine prospérité. A l’image d’une Chine alors en crise, sa région est traversée d’aspirations nationalistes. A dix-huit ans, Mao tente de s’enrôler dans l’armée nationaliste.  Mais l’expérience tourne court et il préfère rejoindre l’école à Changsha. Il semble que le jeune Mao ait quelques difficultés avec l’autorité, ce qui ne l’empêche toutefois pas d’obtenir son diplôme puis un poste d’aide bibliothécaire à l’université de Pékin en 1919.


C’est à l’occasion de cette arrivée en milieu urbain, au sein d’un lieu de savoir, que Mao développe en autodidacte sa connaissance des pensées occidentales, notamment marxistes. Mais il reste également très attaché à la culture traditionnelle chinoise et se nourrit avant tout d’histoire. A Pékin, il rencontre des textes mais aussi des étudiants activistes. Mao est en effet sensible à la cause révolutionnaire, il a d’ailleurs participé aux événements du 4 mai 1919 à Changsha.


Mao oscille alors entre socialisme, nationalisme et communisme. C’est finalement cette dernière couleur politique qui emporte son adhésion. Ainsi, le 23 juillet 1921, il représente son groupe de Changsha lors de la première réunion du Parti communiste chinois (PCC). Il adhère alors aux thèses qui suivent avec orthodoxie la doctrine soviétique, mais pour des raisons de politique intérieure, il se prononce pour l’alliance avec le Guomindang. Lors du Front Uni, il participe d’ailleurs au bureau exécutif à partir de 1923.


Vers une nouvelle pensée communiste

L’année 1927 est une année charnière pour Mao. En effet, une insurrection ouvrière à Shanghai en avril 1927 vire à l’échec et surtout donne l’opportunité à Tchang Kaï-Chek de mettre fin au Front Uni. Le Guomindang lance alors une vaste offensive contre le PCC. Les troubles entre les deux partis qui avaient commencé l’année précédente se muent en affrontements armés. Or, le Guomindang se révèle bien plus puissant.


Au cœur des troubles, Mao tente de soulever une armée paysanne mais sans résultat probant. Le PCC lui fait payer son échec en l’excluant. Il fonde alors le premier soviet chinois dans les monts Jiggang, ce qui lui permet d’expérimenter un nouveau type d’organisation et de structuration du parti.


Cette organisation prend ses racines dans le Rapport d’enquête sur le mouvement paysan dans la province de Hunan que Mao a rédigé cette même année. A cette époque, la ligne politique du PCC s’aligne sur Moscou en faisant du prolétariat le socle de la révolution. De fait, celle-ci doit donc être urbaine. Mais l’industrie chinoise n’est pas très développée et le marxisme-léninisme révolutionnaire s’implante plus facilement chez les étudiants que dans la population ouvrière. En focalisant son attention sur la campagne dont il est natif, Mao construit de son côté une théorie de la révolution communiste fondée sur la paysannerie. Idéalisant les soulèvements paysans, il affirme que ceux-ci peuvent être la base d’une révolution qui réorganiserait la production agricole. C’est un des points qui distinguera fortement le maoïsme d’un marxisme-léninisme russe qui a toujours considéré les campagnes comme secondaires.


Après un an d’exclusion, il est à nouveau admis dans le PCC. Jusqu’à 1934, il travaille, aux côtés de Zhu De, à l’extension de son système dans la région. Mais l’avancée du Guomindang force Mao à se replier en octobre 1934 et à entamer la Longue Marche. Cette épreuve difficile et meurtrière, érigée par la suite en véritable mythe, permet aux communistes d’éviter l’encerclement nationaliste. Elle est aussi un moyen de diffuser la cause communiste dans la paysannerie. Mao en sort renforcé : il obtient en 1935 la tête du PCC.


La proclamation de la République populaire de Chine

Il renforce alors autant que possible la stratégie de guérilla qu’il a expérimenté ces dernières années, mais un événement change la donne en 1937 : la guerre sino-japonaise. Dès lors la guerre civile est quelque peu entre parenthèses et les communistes renforcent leur expérience de la guérilla en contenant l’avancée nippone.


Mao profite de cette période pour asseoir son autorité sur le PCC et faire plus largement accepter sa vision d’un communisme s’appuyant sur un socle rural. En 1939, il épouse Jiang Qing (qui se nomme alors Lan P’ing), une actrice de 25 ans qui l’accompagnera jusqu’à sa mort et qui jouera un rôle déterminant dans la Révolution culturelle. C’est la quatrième femme de Mao, après notamment un mariage forcé. En 1945, lorsque le Japon capitule, la trêve avec le Guomindang ne dure pas. Toujours dirigé par Tchang Kaï-Chek, le Guomindang, affaibli, recule et s’effondre littéralement en 1949 pour se replier sur le Formose (Taiwan). Le 1er octobre, Mao proclame la République populaire de Chine.


Un volontarisme désastreux

Parvenu au sommet du pouvoir, Mao entreprend une réforme globale du pays, avec toutefois une certaine prudence. Il tente de se rapprocher d’une URSS méfiante et en adopte en partie les modèles. Isolé diplomatiquement, Mao permet toutefois à son pays de s’affirmer militairement grâce à l’intervention des « volontaires » chinois pendant la guerre de Corée. Mais son modèle de pensée, s’appuyant en partie sur la paysannerie, est bien loin de la bureaucratie soviétique. Mao s’écarte progressivement de l’URSS, surtout après que Khrouchtchev ait annoncé la déstalinisation.


En 1957, il tente de s’attirer les sympathies des intellectuels en lançant la campagne des « Cents fleurs ». Chacun est amené à opérer une critique du PCC. Derrière la volonté d’ouverture, Mao met en place une stratégie qui vise à renforcer son pouvoir au détriment du Parti. En appelant à dénigrer celui-ci, Mao se place au-dessus, dans un rapport direct avec le peuple en révolution perpétuelle. C’est ce même principe qui justifiera la Révolution culturelle.


Mais la première grande action de Mao intervient en 1958 avec le Grand Bond en avant. L’objectif est de réorganiser la société et le travail dans leur globalité via des communes populaires. Celles-ci sont destinées à renforcer la production et à se substituer à la cellule familiale. Un autre but est de se débarrasser de la dépendance économique vis-à-vis de l’URSS. Mais, trop ambitieux, le Grand Bond en avant déstabilise l’économie, notamment dans l’agriculture. Face au refus de Mao de reconnaître la faillite de son programme, celle-ci se transforme en désastre. La production est insuffisante et engendre une terrible famine qui décime le pays. En 1959, dix ans après la proclamation de la République populaire, Mao est écarté du pouvoir dont les rênes sont reprises par Liu Shaoqi et Deng Xiaoping.


Le chaos de la Révolution culturelle

Mais Mao ne dépose pas les armes pour autant et prépare son retour sur le devant de la scène au côté de sa femme Jiang Qing. A partir de 1966, ils dénoncent un parti qui, en s’établissant, se sclérose et devient l’ennemi du peuple, et invitent la jeunesse à se révolter pour reprendre le pouvoir. Pour que le peuple conserve ses droits, la révolution doit en quelque sorte être perpétuelle. Telle est la nouvelle leçon que Mao entend enseigner au peuple.


La diffusion du « Petit Livre rouge » s’accompagne de l’affichage de milliers de portraits de Mao. Celui-ci a réussi à se refaire un nom sur le dos du PCC. C’est à cette époque qu’il instaure véritablement le culte de sa personnalité tandis qu’il évince Deng Xiaoping. Pourtant, l’agitation des Gardes rouges, une armée formée d’étudiants, sème un désordre généralisé jusqu’en 1969. Mao lui-même doit faire appel à l’armée pour calmer les esprits et éviter la guerre civile.


Un pouvoir déclinant sur fond de culte de la personnalité

A partir de 1970, Mao est dénommé le « Grand Timonier » et le culte de la personnalité est installé pour longtemps dans le pays. Cependant, c’est Zhou Enlai qui gère le retour à l’ordre et met en place une politique plus pragmatique. Celle-ci permet au pays d’acquérir une plus grande stabilité. Le pouvoir de Mao est sur le déclin. Affaibli et malade, le Timonier perd progressivement son influence pour se retirer de la politique en 1974. Il meurt deux ans plus tard des suites de sa maladie de Parkinson. Son idéologie a abouti à l’établissement d’un Etat totalitaire et ses erreurs politiques ont causé de véritables catastrophes. Mais paradoxalement, il reste célébré dans son pays comme l’homme qui a permis à la Chine de retrouver son indépendance et d’entrer dans la modernité.

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