Tchernobyl

La catastrophe de Tchernobyl est un accident nucléaire qui s'est produit le 26 avril 1986 dans la centrale nucléaire Lénine en Ukraine. Cet accident a conduit à la fusion du cœur d'un réacteur, au relâchement de radioactivité dans l'environnement et à de nombreux décès, survenus directement ou du fait de l'exposition aux radiations. Il est le seul accident classé au niveau 7 sur l'échelle internationale des évènements nucléaires (INES), ce qui en fait le plus grave accident nucléaire répertorié jusqu'à présent.

La centrale nucléaire Lénine est située sur un affluent du Dniepr à environ 15 km de Tchernobyl (Ukraine) et 110 km de la capitale Kiev, près de la frontière avec la Biélorussie. L'accident de Tchernobyl est la conséquence de dysfonctionnements nombreux et importants : un réacteur mal conçu, naturellement instable dans certaines situations et sans enceinte de confinement ; un réacteur mal exploité, sur lequel des essais hasardeux ont été conduits ; un contrôle de la sûreté par les pouvoirs publics inexistant ; une gestion inadaptée des conséquences de l'accident.



Les conséquences de la catastrophe sont importantes, aussi bien du point de vue sanitaire, écologique, économique que politique. Un rapport de l'AIEA établi en 2005 recense près de 50 morts directement attribuables à l'accident, et estime que près de 4 000 morts supplémentaires dans les populations les plus exposées peuvent être dues aux rayonnements. Des organisations non gouvernementales avancent des chiffres beaucoup plus importants. Plus de 200 000 personnes ont été évacuées.



Les causes de la catastrophe

L'accident s'est produit lors d'un exercice qui avait pour but de prouver que l'on pouvait relancer la centrale d'elle même suite à une perte totale du réseau électrique. La centrale était pourvue de générateurs diesel, mais ceux-ci mettaient 15 secondes pour démarrer et de 60 à 75 secondes pour arriver à leur puissance maximale. Ce laps de temps étant considéré comme trop grand, l'objectif était d'utiliser l'énergie cinétique du turbo-alternateur pour relancer les pompes de recirculation primaires pendant cette période. Les réacteurs RBMK sont instables à faible puissance avec du combustible peu enrichi comme c'était le cas. Cet exercice a été conduit à une puissance trop faible et en plein pic Xénon et Iode : on qualifie ce phénomène d'« empoisonnement du réacteur ». La conduite à prendre à ce stade aurait été d'arrêter le réacteur pendant 1 à 2 jours en maintenant un refroidissement permanent le temps que l'iode et le xénon se désintègrent naturellement.


Le réactif de l'explosion est le liquide caloporteur, en l'espèce de l'eau légère. La chaleur aurait provoqué la radiolyse de l'eau, puis la recombinaison de l'hydrogène et de l'oxygène libérés aurait provoqué l'explosion qui a soulevé la dalle de béton recouvrant le réacteur. Selon d'autres experts, l'explosion serait une explosion de vapeur, conduisant aux mêmes conséquences. Le graphite incandescent après l'explosion a fait fondre les crayons d'uranium, en zirconium et s'en est suivie la fusion de l'uranium lui même qui dégagea des gaz et particules hautement radioactifs qui ont contribué à la contamination des nuages. L'incendie a été entretenu par la suite par la combustion du graphite. L'explosion n'a rien de nucléaire : si le point de départ est bien une réaction nucléaire en chaîne, c'est bien une réaction chimique, et non nucléaire qui a provoqué la catastrophe.


Suite à l'accident, de grandes quantités de radioisotopes, radioactifs (et pour certains, extrêmement toxiques de surcroît), ont été libérées dans l'atmosphère. L'accident qui s'est produit à la centrale nucléaire de Tchernobyl dans le réacteur n°4 est ainsi classé au niveau le plus élevé (le niveau 7) dans l’échelle INES qui mesure la gravité des accidents nucléaires.


A 01 h 23 et 40 s l'opérateur en chef ordonne l'arrêt d'urgence. Les barres de contrôle sont descendues, sans grand effet : en effet, le réacteur est déjà bien trop chaud, ce qui a déformé les canaux destinés aux barres de contrôle ; celles-ci ne sont descendues qu'à 1,50 m au lieu des 7 m normaux. A 01 h 23 et 44 s la radiolyse de l'eau conduit à la formation d'un mélange détonnant d'hydrogène et d'oxygène. De petites explosions se produisent, éjectant les barres permettant le contrôle du réacteur. « En 3 à 5 secondes, la puissance du réacteur centuple ». Les 1 200 tonnes de la dalle de béton recouvrant le réacteur sont projetées en l'air et retombent de biais sur le cœur de réacteur, qui est fracturé par le choc.


Un incendie très important se déclare, tandis qu'une lumière aux reflets bleus se dégage du trou formé.

Les techniciens présents sur place, ainsi que Brioukhanov réveillé à 1 h 30, ne saisissent pas immédiatement l'ampleur de la catastrophe. Ce dernier appelle le ministère de l'Énergie à 4 h en déclarant que « Le cœur du réacteur n'est probablement pas endommagé ». Il reçoit pour ordre de maintenir le refroidissement par eau du réacteur; cet ordre, que Brioukhanov persistera à appliquer toute la journée, n'aura pour effet que de libérer plus de radio-éléments dans l'atmosphère et de noyer les installations souterraines communes aux réacteurs 3 et 4, menaçant gravement le fonctionnement et l'intégrité du réacteur 3. L'ingénieur en chef responsable du réacteur 3 prendra, au cours de la journée et contre les directives de Brioukhanov, la décision de faire passer ce réacteur en arrêt à froid, permettant ainsi de le sauver d'une destruction certaine, au vu de la destruction progressive des installations.


La lutte contre l'incendie (26 avril 1986)

Afin d'éteindre l'incendie, Brioukhanov appelle simplement les pompiers. Ceux-ci, venus de Pripyat, située à 3 km de la centrale, interviennent sur les lieux sans équipement particulier. Cependant, les matières nucléaires ne peuvent être éteintes avec de l'eau. Les pompiers, gravement irradiés, sont évacués et mourront pour la plupart. Les témoignages sur leur souffrance et les conditions de leur mort ont été recueillis par la journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch.


Le principal danger de l'incendie est que les dégâts qu'il occasionne à la structure risquent de provoquer l'effondrement du magma en fusion (corium) dans les parties souterraines qui sont noyées. Un contact entre l'eau et le réacteur en fusion provoquerait une explosion qui disperserait d'immenses quantités de matière radioactive. Des plongeurs sont envoyés afin de fermer les vannes et installer un système de pompage pour vider les salles noyées. L'incendie finira par être éteint par projection dans le brasier de sacs de sable et de plomb depuis des hélicoptères.


L'étouffement du cœur du réacteur en fusion (26 avril - 14 mai 1986)

L'incendie éteint, les techniciens de la centrale prennent conscience de l'étendue des dégâts provoqués par la retombée du toit sur le réacteur, qui est désormais fissuré. Le graphite toujours en combustion, mélangé au magma de combustible qui continue de réagir, dégage un nuage de fumée saturé de particules radioactives.

Il faut donc au plus vite étouffer la réaction nucléaire incontrôlée. Ce n'est qu'ensuite que le réacteur pourra être isolé par un sarcophage.


La première opération est réalisée grâce à un ballet d'hélicoptères militaires de transport mené par plus de mille pilotes. Il s'agit de larguer dans le trou béant 5 000 tonnes de sable, d'argile, de plomb, de bore, de borax et de dolomite, un mélange qui permettra de stopper la réaction nucléaire et d'étouffer l'incendie du graphite afin de limiter les rejets radioactifs. La mission est difficile, car elle consiste à larguer les sacs à une hauteur de 200 m dans un trou de 10 m de diamètre environ, et ceci le plus vite possible, car malgré l'altitude les personnes reçoivent 15 röntgens en 8 secondes (3 000 fois la dose maximale tolérée par an en France pour une personne). Dans la seule journée du 30 avril, 30 tonnes de sable et d'argile sont ainsi déversées sur le réacteur.


Sur le toit et aux alentours immédiats de la centrale, une cinquantaine d'opérateurs sont chargés dans les premiers jours suivant la catastrophe de collecter les débris très radioactifs. Chaque opérateur ne dispose que de 90 secondes pour effectuer sa tâche. Il est exposé à cette occasion à des niveaux de radiations extrêmement élevés dont ne le protègent guère des équipements de protection dérisoires, principalement destinés à l’empêcher d’inhaler des poussières radioactives. Un grand nombre de ces travailleurs en première ligne ont développé par la suite des cancers et sont morts dans les années qui ont suivi. Ces travailleurs ont été surnommés les liquidateurs. Il a aussi été fait appel à des robots télécommandés français, suisses et allemands mais ceux-ci sont tous tombés en panne à cause des niveaux de radiation exceptionnellement élevés.

Cependant, le réacteur est toujours actif et la dalle de béton qui le soutient menace de se fissurer. Plus grave, l'eau déversée par les pompiers pour éteindre l'incendie a noyé les sous-structures, menaçant ainsi l'intégrité et le contrôle des 3 autres réacteurs de la centrale. Le Professeur Vassili Nesterenko, éminent scientifique nucléaire russe, diagnostique que si le coeur en fusion atteint la nappe d'eau accumulée par l'intervention des pompiers, une explosion de vapeur est susceptible de se produire et de disséminer des éléments radioactifs à une très grande distance. En effet, la fusion du combustible et des structures métalliques a formé un corium sur le plancher situé sous le réacteur. L'évacuation de la population est recommandée et une nouvelle équipe de pompiers envoyée pour évacuer cette eau en ouvrant les vannes de vidange de la piscine de suppression située sous le plancher de la cavité du réacteur. Ceux-ci travailleront toujours sans protection et y laisseront leur vie.



Sous le cœur du réacteur en fusion, la dalle de béton menace de fondre. Au cours de la seconde quinzaine de mai, on fait appel à environ 400 mineurs des mines des environs de Moscou et du bassin houiller du Donbass pour creuser un tunnel de 167 mètres de long menant sous le réacteur afin d'y construire une salle. Un serpentin de refroidissement à l'azote doit y être installé pour refroidir la dalle de béton du réacteur. Les mineurs se relaient 24 heures sur 24 dans des conditions très difficiles dues à la température élevée et au niveau très important de radiation (Le débit de dose à la sortie du tunnel est d’environ 200 röntgens par heure. La radioactivité dans le tunnel lui-même est raisonnable mais la chaleur rend le travail difficile). Le circuit de refroidissement ne fut jamais installé et finalement remplacé par du béton pour ralentir et stopper la descente du coeur fondu.

Les liquidateurs (photo : Igor Kostin)

Grâce à ces travaux, le niveau de radiation baissera momentanément avant de s'élever à nouveau. Ce n'est que le 6 mai que la radiation absorbée en 8 secondes chute enfin à 1,5 röntgen. Après cette date, ce sont encore 80 tonnes de mélanges qui seront déversées. Valeri Legassov, un haut fonctionnaire soviétique chargé des questions nucléaires, se suicide en voyant la manière dont l'accident a été géré par les autorités, et publie à titre posthume un article dans la Pravda.

Écroulement final du cœur

Le 6 mai, l'émission du réacteur tombe en moins de vingt minutes à 1/50 de sa valeur précédente, puis à quelques curies par jour.

L'explication n'en sera connue qu'en 1988, suite aux forages horizontaux faits à cette date à travers le bloc 4 par l'institut Kurtchatov : le fond du réacteur avait cédé d’un coup, et le cœur fondu en lave liquide s’était écoulé puis définitivement solidifié 20 m plus bas dans les infrastructures, dans la piscine de suppression de pression qui avait heureusement été vidée.

La réalisation du sarcophage et la décontamination de la zone (14 mai 1986 – décembre 1988)

Dans les mois qui ont suivi, plusieurs centaines de milliers d'ouvriers (600 000 environ), les « liquidateurs » sont venus d'Ukraine, de Biélorussie, de Lettonie, de Lituanie et de Russie pour procéder à des nettoyages du terrain environnant. Leur protection individuelle contre les rayonnements était très faible, voire nulle. La décontamination était illusoire dans la mesure où personne ne savait où transférer le terrain contaminé.

Selon Viatcheslav Grichine, membre de l'Union Tchernobyl, principale organisation des liquidateurs, sur 600 000 liquidateurs, « 25 000 sont morts et 70 000 restés handicapés en Russie, en Ukraine les chiffres sont proches et en Biélorussie 10 000 sont morts et 25 000 handicapés  ».

L'évacuation tardive des populations
 



















 Pripyat, à 2 km de la centrale, aujourd'hui ville fantôme

Le 26 avril 1986, la population locale n’est pas prévenue de l'accident et poursuit ses activités habituelles sans prendre de précautions particulières. Ainsi à Pripyat, 900 élèves âgés de 10 à 17 ans participent à un « marathon de la paix » qui fait le tour de la centrale. Un film argentique amateur d'époque montre de manière très flagrante que Pripyat est déjà contaminée gravement : la radioactivité y a formé de nombreux flashs blancs au rythme de plusieurs par seconde.

L'évacuation débute le 27 avril et les 45 000 habitants de Pripyat sont les premiers concernés. Ils n'ont été informés que quelques heures auparavant par la radio locale, qui leur demandait de n'emporter que le strict minimum et leur promettait qu'ils seraient de retour sous 2 ou 3 jours. Emmenés par l'armée, ils sont hébergés dans des conditions précaires dans la région de Polesskoie, elle-même gravement touchée par les radiations. Les premiers symptômes d'une forte exposition aux radiations (nausées, diarrhées, etc.) commencent à apparaître déjà chez beaucoup d'entre eux.

Au début du mois de mai, les 115 000 personnes habitant dans un rayon de 30 km autour du site sont évacuées, opération qui se poursuit jusqu'à la fin du mois d'août. Chaque évacué reçoit une indemnité de 4 000 roubles par adulte et 1 500 roubles par enfant. Les évacuations touchent au total environ 250 000 personnes de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Slavoutich, une ville comptant plus de 30 000 habitants à la fin de l'année 1987, est créée ex nihilo.

Quatre « zones de contamination » décroissantes sont définies. Deux d'entre-elles ne sont pas évacuées, mais les habitants disposent d'un suivi médical et de primes de risque. Il y a eu 50 000 personnes évacuées de Pripyat.

L'opacité des autorités locales et des échelons bureaucratiques

Dans les premières heures qui suivent la catastrophe, l'opacité créée par les différents échelons administratifs est totale. Mikhaïl Gorbatchev n'est informé officiellement que le 27 avril. Avec l'accord du Politburo, il est forcé de faire appel au KGB pour obtenir des informations fiables. Le rapport qui lui est transmis parle d'une explosion, de la mort de deux hommes, de l'arrêt des tranches 1, 2 et 3. Les rapports faits au dirigeant soviétique sont entourés d'« un luxe de précautions oratoires ».

Le bilan

Parmi les personnes ayant participé à la décontamination, souvent héroïquement, en sacrifiant leur vie, mais souvent aussi en ignorant les dangers réels, 15000 sont mortes et 50000 sont restées handicapées.

Le nombre total de morts diffère selon les estimations, allant de 50000 à 250 000.  La moitié des radiations émises sont retombées dans un périmètre de 35 Km. L'autre moitié est retombée sur plus de 20 pays, Environ 7 millions de personnes sont ou seront "affectées".





En France, les services officiels (SCPRI) affirment qu’il n’y a pas de réel danger à plus de 10 km de la centrale et absolument aucun risque en France : « Il faudrait imaginer des élévations 10 000 ou 100 000 fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d’hygiène publique » affirme un communiqué officiel régulièrement diffusé à partir du 1er mai.



Le 6 mai, le ministère de l’Agriculture est catégorique : « En raison de son éloignement, le territoire français a été totalement épargné par les retombées radioactives.
Les pouvoirs publics recommandent à la population de ne rien changer à ses habitudes alimentaires, y compris dans les régions les plus touchées, y compris pour les enfants et les femmes enceintes !


Mais c'est bien sur en Ukraine que les conséquences sont les plus dramatiques. Trois millions et demi d'ukrainiens, dont plus d'un tiers sont des enfants, ont souffert de cancer de la Thyroïde. On constate également une importante augmentation des mutations et des lésions cérébrales chez les enfants dont les parents ont été contaminés.

Posted by OMEGA-PROJECT |