Le détournement du vol AF 8969

Alger

Le 24 décembre 1994, à l'aéroport d'Alger, quatre hommes armés entrèrent dans l'avion lors de l'embarquement du vol AF8969. Ils se présentèrent à l'équipage de cabine comme policiers et commencèrent la vérification des passeports des passagers. Les autorités algériennes s'inquiétant de l'immobilisation de l'avion envoyèrent les ninjas (équivalent algérien du GIGN) près de l'avion. Les quatre hommes s'apercevant de leur approche crièrent « impie » en arabe, puis prirent le contrôle de l'avion en déclarant être des mujâhidîn et brandissant armes et explosifs. Ils exigèrent des femmes de se voiler et de ne pas s'asseoir à côté des hommes, et certaines furent immédiatement converties de force à l'Islam en passant le rituel qui consiste à répéter trois fois la chahada.


Le commando terroriste revendiqua la libération de deux responsables du Front Islamique du Salut : Abbassi Madani et Ali Belhadj. Devant le refus des autorités algériennes, les terroristes arrachèrent des passagers un policier algérien. À 14 heures, l'un des membres du commando abattit le policier sur la passerelle avant de l'avion. Quelques minutes après, ils reprirent le contact avec la tour de contrôle de l'aéroport international Houari Boumedienne et demandèrent l'autorisation de décollage de l'avion en affirmant qu'un refus entraînerait la mort d'autres passagers.



Philippe Legorjus, le chef de la sécurité chez Air France et ancien commandant du GIGN, était en contact téléphonique avec le commandant algérien des forces armées qui entouraient l'avion. Les terroristes demandèrent que les ninjas s'écartent de l'avion et reculent la passerelle d'embarquement, mais les autorités algériennes refusèrent d'obtempérer. La cellule de crise à Paris arriva à la conclusion qu'il était préférable de laisser décoller l'avion.

Le Premier ministre français Édouard Balladur tenta de négocier la libération des femmes et des enfants en échange de l'autorisation de décoller pour Paris. Le commando accepta et libéra 63 passagers. Mais quand l'ordre fut donné au colonel des ninjas de reculer la passerelle, il refusa. De plus, les autorités algériennes firent intervenir la mère du chef du commando en lui faisant prendre contact avec lui par radio pour le supplier de se rendre. Ces actions rendirent Yahia fou de rage et il fit abattre un second passager : un diplomate vietnamien.



Les négociations entre les ninjas et les gouvernements français et algérien se terminèrent dans une impasse. À 21 h 30, le soir de Noël, un jeune employé de l'Ambassade de France, Yannick Beugnet, fut choisi pour envoyer un message à la tour de contrôle. Il déclara que si l'avion ne pouvait décoller immédiatement il serait abattu. La situation avec les autorités algériennes étant restée au point mort, à 22 h il fut abattu d'une balle dans la tête et son corps jeté hors de l'avion. Le commando envoya un message à la tour de contrôle en menaçant de tuer un passager toutes les trente minutes si l'autorisation de décoller pour Paris n'était pas donnée.

Édouard Balladur proposa l'intervention du GIGN sur l'aéroport d'Alger, mais le gouvernement refusa. Ayant appris la présence de vingt bâtons de dynamite à bord de l'avion, les autorités françaises décidèrent d'intervenir et de préparer un commando qui avait eu un entraînement sur ce type d'avions, sous la responsabilité de Denis Favier. L'Algérie ne leur ayant pas donné l'autorisation d'atterrir sur leur sol, après deux heures à tournoyer ils furent envoyés le plus près possible d'Alger, c'est-à-dire à Majorque.



Suite à l'assassinat du jeune français, le Premier Ministre exigea du gouvernement algérien de laisser partir l'avion sous peine de dénonciation à la communauté internationale. Le 26 décembre à 2 heures du matin, près de 40 heures après la prise d'otage, le vol AF8969 fut autorisé à quitter Alger grâce à la pression du gouvernement français et l'escalier fut retiré. Les contrôleurs aériens reçurent secrètement l'ordre de dire aux terroristes que leur réserve de carburant était trop entamée pour aller jusqu'à Paris. La ville de Marseille fut choisie comme escale pour effectuer un plein de carburant. Le commando du GIGN quitta l'Espagne et rejoignit l'aéroport de Marseille-Marignane vingt minutes avant le vol 8969.


Marseille

Le vol AF 8969 se posa à 3 heures 30 du matin. Fatigués par la prise d'otage, les terroristes maintinrent le silence radio et en profitèrent pour dormir.
Pendant ce voyage les services du ministre de l'Intérieur Charles Pasqua furent informés de l'objectif probable des terroristes et décidèrent que l'avion ne devrait pas quitter Marseille, quel qu'en soit le coût.

Le commando reprit contact avec la tour de contrôle et exigea 27 tonnes de carburant. Huit tonnes auraient suffi pour rejoindre Paris, ce qui confirma au gouvernement français sur les intentions des terroristes de transformer l'avion en bombe volante. Le commando expliqua qu'il souhaitait rejoindre Paris pour y donner une conférence de presse. Les autorités leur répondirent que tous les journalistes du monde étaient à Marseille et qu'il ne servait à rien d'aller à Paris. La solidité de l'argument perturba le commando qui accepta l'organisation d'une conférence dans l'avion. Il tomba alors dans le piège du GIGN : en effet, l'avant de l'avion fut vidé et les passagers amenés vers l'arrière. L'organisation de la conférence permettait non seulement de gagner du temps pour préparer l'offensive, mais aussi d'accentuer la fatigue du commando.



L'assaut

À 17 h 08, le GIGN était prêt à intervenir, mais en raison du retard de la conférence, le chef du commando eut une intuition et exigea du commandant de déplacer l'avion vers la tour de contrôle. Ce mouvement impromptu perturba le GIGN qui dut se réorganiser. La conférence de presse étant repoussée sur le prétexte que les journalistes n'étaient pas prêts, le commando perdit patience et l'un des membres mitrailla la tour de contrôle.

Le capitaine Favier donna le signal d'assaut. Trois passerelles motorisées s'approchèrent de l'A300, deux vers les portes arrière avec 11 hommes de chaque côté et une passerelle de 9 hommes à l'avant de l'appareil. Ils ouvrirent avec difficulté la porte avant droite, car la passerelle était trop haute et bloquait l'ouverture de la porte. Elle fut reculée puis avancée à nouveau une fois la porte ouverte, blessant un homme du GIGN. Le cockpit fut immédiatement assailli et un terroriste tué, néanmoins l'un d'entre eux équipé d'un AK-47 automatique opposa une forte résistance, puis lança une grenade.



Pendant ce temps, l'ensemble des passagers et du personnel commercial de cabine était évacué par les portes arrière de l'appareil via les toboggans de secours.

Les caméras de télévision étaient braquées sur l'avion lorsque le copilote se jeta du cockpit, se cassant juste le bras malgré la chute de 7 mètres. Il y restait alors encore le chef mécanicien, et le commandant de bord, ainsi que le dernier terroriste. Ce dernier opposa une forte résistance, blessant des membres du GIGN, mais ne tuant pas les membres d'équipage. Après 20 minutes d'assaut, il fut abattu d'une balle dans le cœur.

Une dizaine de membres du GIGN furent blessés dont le capitaine Favier, un grièvement, ainsi que treize passagers et trois membres de l'équipage. Cette délicate opération anti-terroriste est pourtant aujourd'hui considérée comme l'une des plus grandes réussites du GIGN.

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