Simone Weber, la diabolique de Nancy

Bernard Hettier, 55 ans, a disparu depuis quinze jours. Très vite les soupçons se portent sur l’ancienne maîtresse de celui-ci : Simone Weber.

Les deux amants se sont rencontrés à l’automne 1981. Bernard Hettier multiplie les aventures amoureuses. Simone Weber est veuve et ses revenus proviennent essentiellement de la revente de voitures d’occasion. Mais alors que Bernard Hettier, plutôt cavaleur, ne voit en Simone Weber qu’une partenaire parmi d’autres, elle tombe véritablement amoureuse de ce charmant quinquagénaire.

Très vite, Simone Weber va se montrer sous son vrai jour en devenant suspicieuse, en épiant sans cesse son amant ce qui va finalement lui rendre la vie impossible. C’est pourquoi, voyant la situation dégénérer, il décide de mettre un terme à cette relation au bout d’un an. Cette rupture va marquer le début de trois ans de harcèlement de la part de Simone Weber envers son ex-amant. Ainsi elle va tour à tour le suivre jusqu’à son travail, s’introduire chez lui, le harceler au téléphone. Elle veut qu’il se consacre exclusivement à elle.

Mais plus Bernard Hettier tente de l’éloigner de sa vie, plus elle se montre menaçante. A tel point qu’elle ira jusqu’à le menacer de mort et qu’il prendra ses menaces très au sérieux sachant qu’elle possède un fusil équipé d’un silencieux.

Les circonstances de la disparition

C’est dans ce climat très inquiétant que Bernard Hettier va disparaître le 22 juin 1985.
En fin de matinée Bernard Hettier regagne son domicile et constate que Simone Weber est toujours là. Il prend la décision de faire face et rentre chez lui, suivi de son ex-maîtresse. Des voisins sont alors témoins d’une violente dispute au cours de laquelle Simone Weber lancera un retentissant : « Je te tuerai ». Vers 13 heures 15, ces mêmes voisins voient le couple quitter les lieux chacun dans sa voiture en se dirigeant dans la même direction. Ce seront les dernières personnes à avoir vu vivant Bernard Hettier.

Dix jours s’écoulent sans que Bernard Hettier ne donne signe de vie jusqu’à ce que son employeur reçoive un arrêt de travail de sept jours à son nom. Seulement l’employeur ne reconnaît ni l’écriture, ni la signature du contremaître et, chose étrange, le document a été délivré par un médecin de la région parisienne.

L'enquête


A partir de cet évènement la police est alertée. Les enquêteurs commencent par interroger le médecin et s’aperçoivent que ce n’est pas Bernard Hettier qui s’est présenté à son cabinet mais un homme beaucoup plus jeune qu’ils parviennent très vite à identifier. Il s’agit de Pascal Lamoureux, marié à Brigitte, la fille de Simone Weber. Le parquet de Nancy demande alors l’ouverture d’une information judiciaire pour séquestration. Simone Weber en est le principal suspect.

Le Juge Gilbert Thiel, à qui l’enquête est confiée, ordonne que l’on retrouve la voiture du disparu avant de procéder à l’interpellation de la suspecte.

Les policiers se rendent au 158, rue de Strasbourg où la Renault 9 a été aperçue pour la dernière fois par Didier Nus. En menant leur enquête de voisinage, ils recueillent le témoignage du couple Haag qui vit dans le même immeuble que Simone Weber. Mr et Mme Haag leur racontent que le lendemain de la disparition de Bernard Hettier, Simone Weber, qui n’avait pas l’habitude de fréquenter ses voisins était venue leur rendre visite pour leur demander comment on utilise un couteau électrique.

Intrigués par cette visite, les voisins sont témoins, le soir même vers 22 heures, d’étranges bruits qui proviennent de l’appartement de Simone Weber. Pensant au départ qu’il s’agit d’un aspirateur, Mr et Mme Haag constatent en fait que la source du bruit reste parfaitement immobile au-dessus de leur tête. Voulant en savoir un peu plus, les Haag observent Simone Weber à travers l’œilleton de leur porte et sont témoins d’un bien étrange manège. A sept reprises, ils voient passer leur voisine dans l’escalier portant de mystérieux sacs poubelles opaques. Malgré tout, les enquêteurs ne prennent pas vraiment au sérieux le témoignage des Haag.

En revanche Simone Weber est placée sous étroite surveillance policière et son comportement méfiant ne fait que renforcer les soupçons des policiers. En la plaçant sur écoute, ils constatent qu’elle téléphone principalement à sa sœur Madeleine qui vit à Cannes. Ces conversations sont à première vue, d’une extrême banalité, mais en réalité, les deux sœurs utilisent un langage codé. Le stratagème est déjoué le jour où Simone donne à Madeleine les « bons numéros » du loto. En réalité ces chiffres correspondent au numéro d’une cabine publique située en bas de chez elle. Immédiatement celle-ci est placée sur écoute.

Et c’est là que les enquêteurs sont frappés par l’évocation, à plusieurs reprises, d’une petite fille prénommée Bernadette. Mais ce code est très vite décrypté par les policiers puisque « Bernadette » s’avère être en réalité le nom donné à la voiture de Bernard Hettier. C’est cette phrase prononcée par Simone Weber qui va mettre la puce à l’oreille des enquêteurs.
Interpellations



Cet évènement va provoquer l’interpellation de Madeleine le 8 novembre 1985. A son domicile, les policiers découvrent les papiers du véhicule de Bernard Hettier et la clé d’un garage dans lequel se trouve la Renault 9 bleue du disparu. Sitôt la voiture retrouvée, Simone Weber est à son tour interpellée à Nancy alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre Madeleine à Cannes. La suspecte est placée en garde à vue tandis que son appartement est perquisitionné.

Premiers indices matériels

Les policiers y trouvent une carabine 22 long rifle et sous une armoire, une douille percutée. Encore plus troublant, la découverte d’une meuleuse à béton professionnelle.

En outre des lettres destinées à Bernard Hettier sont retrouvées au domicile de Simone Weber. Elles contiennent essentiellement l’expression de son ressentiment envers son ex-amant.

A la recherche du corps


Pour le juge Thiel, le scénario du drame devient clair : Bernard Hettier a été tué d’un coup de fusil par son ex-maîtresse puis son corps a été découpé. Or, à ce jour, aucun corps n’a été découvert. C’est pourquoi il ordonne que l’on enquête sur tous les corps non identifiés retrouvés en France. Et ce travail finit par payer puisqu’il découvre qu’un corps repêché à Poincy en Seine et Marne le 15 Septembre 1985 pourrait correspondre à celui de Bernard Hettier. Ce jour-là un pêcheur aperçoit une valise qui flotte sur la Marne. Intrigué, il la ramène sur la berge et constate qu’elle est lestée par un morceau de parpaing. Il décide alors d’alerter la gendarmerie qui procède à l’ouverture de la valise. A l’intérieur se trouve un tronc humain enveloppé dans un sac plastique. Le rapport d’autopsie conclue qu’il s’agit d’un homme de 40 ans et qu’aucun projectile se ne trouve dans ce qu’il reste de son corps. Ce qui attire l’attention de Gilbert Thiel dans la découverte de ce corps à 300 km de Nancy c’est la proximité d’Epinay sur Seine, ville où réside la fille de Simone Weber. Et c’est justement là qu’elle s’est rendue une semaine après la disparition de Bernard Hettier pour faire établir le faux certificat médical par son gendre.

Arguments de la défense

Le juge croit alors détenir le scénario du déroulement des faits mais la défense prépare sa contre-attaque. L’avocate de Simone Weber émet tout d’abord de sérieux doutes sur le témoignage des Haag dans lequel aucun élément concret ne peut être vérifié. Souvenez-vous du bruit suspect entendu par les voisins qui ressemblait à celui d’un aspirateur et non à celui d’une meuleuse. Puis c’est le tronc découvert dans la marne qui est mis en doute. En effet le rapport d’expertise initial décrit un homme à forte pigmentation alors que Bernard Hettier est blond aux yeux bleus. Par ailleurs l'âge du cadavre (environ 40 ans) ne correspond pas à celui de Bernard Hettier (55 ans). Enfin le légiste déclare que le corps a subi une opération de l'appendicite ce qui n'est pas le cas de Bernard Hettier.

Au sujet des lettres retrouvées chez Simone Weber, la défense explique qu'il s'agit en fait d'un journal intime jamais porté à la connaissance de Bernard Hettier.
Simone Weber qui sait que l'accusation ne repose sur aucun élément matériel fiable ne se prive pas d'attaquer par médias interposés, le juge Thiel en se faisant passer pour l'innocente victime.

Si Simone Weber se révèle être une redoutable suspecte, Gilbert Thiel se montre terriblement obstiné dans sa recherche de preuves contre elle. Après avoir fait assécher un canal afin de découvrir, sans succès, les disques de la meuleuse, il se plonge dans le passé de Simone Weber.

Au cours des perquisitions chez elle, les policiers découvrent une multitude de papiers et tampons officiels (documents d'état civil, certificats médicaux, extraits de testaments,...). Parmi les documents falsifiés, un testament attire plus particulièrement l'attention des enquêteurs. Le document est signé de la main de Marcel Fixard, le défunt mari de Simone Weber. Gilbert Thiel va alors s'intéresser à cette brève union.

Le passé trouble de Simone Weber


Au printemps 1977, Simone Weber est âgée de 46 ans, vit seule et est criblée de dettes. Un jour elle tombe sur une annonce matrimoniale dans un journal. Elle est publiée par Marcel Fixard qui se décrit comme un retraité aisé de 76 ans qui cherche une femme du même profil en vue d'un mariage. Bien qu'elle ne corresponde absolument pas au profil, Simone Weber décide tout de même de répondre.

A son premier rendez-vous avec l'auteur de l'annonce, elle se présente affublée d'une perruque qui la vieillit de quinze ans. Elle dit être une professeur de philosophie à la retraite et Marcel Fixard n'y voit que du feu et tombe sous le charme. Ainsi, Simone Weber va très vite s'installer chez lui à Rosières aux Salines près de Nancy. Son objectif est simple: obtenir l'héritage que ce vieil homme peut lui apporter. Deux ans après leur première rencontre, Simone Weber arrive à ses fins en devenant l'unique bénéficiaire du testament de Marcel Fixard qui lui lègue toute sa fortune.

Seulement trois semaines après cette "union", Marcel Fixard meurt mystérieusement à l'age de 80 ans. Mais en se rendant chez le notaire quelques jours après la mort de son mari, Simone Weber apprend qu'il a changé son testament et qu'elle n'est plus son héritière. Ne se laissant pas abattre, la "veuve" présente un mois plus tard au notaire, un testament signé de la main de son défunt mari seulement quatre jours avant son décès, faisant d'elle sa légataire universelle.


Et c'est lors de la perquisition de son domicile des années plus tard que les policiers découvrent des brouillons qui prouvent qu'elle a fabriqué elle-même ce document en sa faveur. Ils décident alors d'enquêter sur la mort de Marcel Fixard et s'aperçoivent que huit jours avant son décès elle s'est procurée de la Digitaline à l'aide d'une fausse ordonnance. La Digitaline est un médicament pour le cœur qui nécessite un dosage très précis, sans quoi les conséquences peuvent être gravissimes. Mais comme pour Bernard Hettier, aucune preuve matérielle n'est formellement établie et Simone Weber nie tout en bloc.

En octobre 1989, Le juge Thiel inculpe Simone Weber pour l'assassinat de Bernard Hettier assorti des circonstances aggravantes de guet-apens et de préméditation. Par ailleurs elle devra s'expliquer sur son rôle dans la mort de son mari octogénaire.

Le procès

Le 3 juillet 1990, sur avis du juge Thiel, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy décide de renvoyer Simone Weber devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle. L'inculpée se trouve alors en détention provisoire depuis plus de cinq ans.

Le 17 janvier 1991, s’ouvre le procès de Simone Weber alors âgée de 60 ans. Il s’agit d’un procès extraordinaire de part la forte personnalité de l’accusée, de l’absence de cadavre, d’aveux et surtout du dossier de 18000 pages qui prédit une durée inhabituellement longue.

20 ans de réclusion

Au terme d’un procès-fleuve de plus de six semaines, Simone Weber est finalement condamnée à vingt ans de réclusion criminelle le 28 février 1991. Le 4 mars 1991, Madeleine, condamnée à 2 ans de prison avec sursis pour recel de vol et destruction de preuve et sa sœur forment un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle. Mais ce pourvoi est rejeté le 8 janvier 1992.


Simone Weber purgera sa peine à la prison centrale des femmes de Rennes jusqu’à sa libération le 17 novembre 1999. Depuis elle vit dans le sud de la France et continue de clamer son innocence dans cette affaire.

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